On ne vidangera plus par obligation de moyens, mais par obligation de résultat.

Le gouvernement français vient d’annoncer (sous réserve de publication du décret d’application) une évolution majeure dans la réglementation sanitaire des piscines publiques : la fin de la vidange annuelle obligatoire, remplacée par un dispositif d’adaptation fondé sur la qualité réelle de l’eau. Cette réforme était attendue de longue date par les collectivités, confrontées à des coûts élevés, des fermetures d’équipements contraignantes et une pression croissante sur les ressources en eau.

Portée conjointement par le ministère de la Santé et le ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, cette mesure marque un changement profond dans la manière d’appréhender la gestion sanitaire des bassins publics. Elle repose sur les travaux scientifiques de l’ANSES et s’inscrit dans une tendance nationale et européenne vers une gestion plus durable des infrastructures aquatiques.

1. Le cadre actuel : une obligation coûteuse et peu flexible

Jusqu’à présent, les piscines publiques étaient soumises à un décret imposant une vidange annuelle systématique de leurs bassins. Cette opération, indispensable pour assurer un niveau d’hygiène satisfaisant, implique :

  • Une fermeture de plusieurs jours à plusieurs semaines, selon la taille des bassins ;

  • Une consommation d’eau considérable, représentant environ 10 % de la consommation annuelle d’une piscine municipale ;

  • Des coûts de remise en eau, chauffage, traitement et remise en conformité importants pour les collectivités ;

  • Une mobilisation accrue des équipes techniques, déjà sous pression dans de nombreux territoires.

Si ce cadre répondait à une logique de sécurité sanitaire, il manquait de souplesse face aux évolutions technologiques des systèmes de traitement d’eau et aux réalités d’exploitation.

2. Une nouvelle approche scientifique : adapter la fréquence aux résultats réels

La Direction générale de la santé, s’appuyant sur :

  • les travaux de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES),

  • les retours des élus locaux,

  • les analyses des professionnels du secteur,

a finalisé un nouveau dispositif réglementaire permettant d’adapter la fréquence des vidanges en fonction :

  • des performances réelles du traitement d’eau,

  • de la qualité sanitaire mesurée,

  • du respect continu des paramètres réglementaires (chlore, chloramines, turbidité, microbiologie, renouvellement d’eau…).

Cette approche, alignée avec les principes de gestion du risque définis dans le Code de la santé publique, introduit une logique nouvelle :
on ne vidangera plus par obligation de moyens, mais par obligation de résultat.

3. Une réforme soutenue par les élus locaux

L’Association Nationale Des Élus en charge du Sport (ANDES) s’est déclarée favorable au nouveau dispositif. Les collectivités y voient une réponse concrète à plusieurs défis :

✓ Réduire les périodes de fermeture

Chaque vidange entraîne :

  • vidange complète,

  • nettoyage,

  • inspection,

  • remplissage,

  • remise en température,

  • stabilisation des paramètres d’eau.

Pour les bassins sportifs ou polyvalents, ces fermetures ont un impact direct sur :

  • l’accueil du public,

  • les cours scolaires,

  • les activités clubs,

  • les recettes (aquasport, entrées, apprentissage).

✓ Diminuer les charges d’exploitation

Entre l’eau consommée, le chauffage et les produits de traitement, une vidange annuelle représente en moyenne :

  • 300 à 1800 m³ d’eau par bassin,

  • plusieurs milliers d’euros de coûts indirects.

✓ Préserver les ressources en eau

Dans un contexte de tension hydrique croissante, l’obligation annuelle était difficile à justifier scientifiquement, d’autant que certains équipements modernes peuvent garantir une qualité optimale sans vidange systématique grâce à :

  • l’ultrafiltration,

  • la désinfection UV,

  • les systèmes de gestion automatisée,

  • les renouvellements continus calibrés,

  • les analyseurs connectés.

4. Les positions du gouvernement : concilier santé publique et sobriété

Stéphanie Rist, ministre de la Santé

La ministre souligne que ce nouveau cadre :

« apporte plus de souplesse aux collectivités tout en maintenant l’exigence sanitaire qui guide notre action. Adapter la fréquence des vidanges à la qualité réelle de l’eau, c’est concilier performance sanitaire, sobriété en eau et continuité de service pour les usagers. »

Cette déclaration confirme que l’objectif numéro un reste la sécurité sanitaire — mais désormais appuyée par une démarche plus rationnelle et mesurée.

Marina Ferrari, ministre des Sports

La ministre insiste sur l’impact concret pour les collectivités :

« La vidange d’une piscine municipale, c’est une semaine de fermeture et une consommation d’eau qui augmente. […] Nous passons ainsi d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. »

Elle met également en avant la philosophie de la réforme :

  • être à l’écoute des élus,

  • répondre aux contraintes budgétaires,

  • favoriser la performance et la continuité de service.

5. Les bénéfices attendus pour les collectivités

1. Optimisation des coûts d’exploitation

Moins de vidanges =
➡️ moins d’eau utilisée
➡️ moins de chauffage
➡️ moins de produits chimiques
➡️ moins de main-d’œuvre mobilisée

Selon plusieurs audits d’exploitation (Cour des Comptes, collectivités locales, AQUA PROXIMA), les économies peuvent atteindre 4 à 10 % du budget technique annuel.

2. Réduction des interruptions de service

La vidange est aujourd’hui l’une des causes principales de fermeture longue dans les piscines municipales. Sa réduction permettra :

  • plus de continuité pour les usagers,

  • une meilleure programmation pour les clubs et scolaires,

  • une amélioration des recettes.

3. Une gestion plus durable et écoresponsable

La réforme s’inscrit dans la dynamique :

  • du Plan Eau 2023,

  • de la stratégie nationale pour la sobriété en eau,

  • des engagements environnementaux des collectivités (RE2020, PCAET, etc.).

4. Modernisation des pratiques professionnelles

Les gestionnaires devront désormais :

  • renforcer leur suivi analytique,

  • améliorer les outils de mesure et d’alerte,

  • mettre en place une traçabilité accrue,

  • former les équipes techniques à l’analyse fine de la qualité d’eau.

6. Ce que cela change pour les gestionnaires : nouvelles obligations et bonnes pratiques

La fin de la vidange annuelle ne signifie pas l’absence de contraintes. Au contraire, les exploitants devront démontrer :

• Une maîtrise continue des paramètres règlementaires

Conformément au Code de la santé publique (articles D1332-1 à D1332-13) :

  • stabilité du chlore libre,

  • taux de chloramines maîtrisé (< 0,6 mg/L),

  • absence d’épreuves microbiologiques non conformes,

  • turbidité maîtrisée (< 0,5 NTU selon les recommandations ANSES).

• Une gestion documentée
  • carnet sanitaire rigoureux,

  • enregistrements continus,

  • plan de maintenance préventive,

  • justification de la qualité de l’eau dans la durée.

• Une maintenance renforcée

Car si les vidanges seront moins fréquentes, les besoins en :

  • entretien,

  • purge,

  • détartrage,

  • inspection des ouvrages,

restent essentiels.

Conclusion : une avancée pragmatique, écologique et attendue

La fin de la vidange annuelle obligatoire constitue l’une des réformes les plus marquantes de la décennie pour les piscines publiques. Elle répond à une demande conjointe des élus, des gestionnaires et des experts techniques tout en restant fermement ancrée dans les exigences sanitaires.

Cette nouvelle approche permettra :

  • une meilleure continuité de service pour les usagers,

  • des économies significatives pour les collectivités,

  • une réduction de l’impact environnemental,

  • une professionnalisation accrue de l’exploitation.

Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de modernisation des équipements sportifs et d’adaptation aux défis environnementaux du XXIᵉ siècle.