Derrière le drame des noyades : une urgence sociétale et éducative à adresser
Chaque été, les noyades endeuillent des centaines de familles en France.
L’été 2025 a confirmé cette tendance dramatique : plus de 700 noyades et près de 200 décès en seulement quelques semaines.
Au-delà des chiffres, c’est toute une société qui doit s’interroger sur sa capacité à prévenir ces drames : apprentissage insuffisant de la nage, manque de maîtres-nageurs, inégalités d’accès aux piscines, comportements à risque.
Comprendre les causes et agir collectivement est devenu une urgence vitale.
Contexte et chiffres alarmants de l’été 2025
L’été 2025 en France a été marqué par une recrudescence dramatique des noyades accidentelles, un drame qui frappe en particulier les enfants et les jeunes adolescents. Entre le 1ᵉʳ juin et le 23 juillet, on a enregistré 702 noyades, dont 193 décès, soit respectivement une augmentation de +50 % pour les accidents et +45 % pour les décès par rapport à la même période en 2024.
Cette explosion des chiffres correspond à une période de canicule précoce et d’intensification des baignades dans des zones souvent non surveillées, en même temps que se manifeste un manque criant de maîtres-nageurs sauveteurs, pointé par la Fédération française des métiers de la natation et du sport (FFMNS).
Déjà entre le 1ᵉʳ juin et le 2 juillet, Santé publique France recensait 429 noyades accidentelles, dont 109 décès, soit une hausse de +95 % des accidents et +58 % des décès par rapport à 2024.
Les plus vulnérables : enfants et jeunes collégiens en première ligne
Un constat particulièrement inquiétant ressort des enquêtes récentes : un tiers des élèves entrant en 6ᵉ ne savent pas nager, et à la fin de la 6ᵉ, 17 % d’entre eux restent en difficulté.
➡️ Ce déficit s’est accru dans le sillage des confinements, des fermetures d’infrastructures et de la pénurie de personnel éducatif et de maîtres-nageurs.
Par ailleurs, les jeunes enfants, en particulier ceux de moins de 6 ans, représentent 30 % des noyades en 2025. Le manque de compétences essentielles en natation et la surveillance insuffisante agissent comme des facteurs aggravants.
L’apprentissage de la natation : un levier essentiel encore trop peu déployé
➡️ L’apprentissage de la nage est inscrit dans la loi et constitue une obligation de l’État : « La maîtrise de la nage ne peut se faire sans bassins » écrivait déjà le sénateur Michel Savin.
Les piscines publiques sont au cœur de cette mission éducative : plus de 4 millions de scolaires pratiquent la natation dans le cadre scolaire, soit près de 160 000 classes élémentaires concernées.
Toutefois, même en 2008, 10 % des classes ne pouvaient pas accéder suffisamment à ces infrastructures, en raison d’un manque de créneaux ou d’éloignement géographique.
Les dispositifs comme « Savoir-nager » ou « Aisance Aquatique », inscrits dans le Code de l’Éducation et promus par le ministère des Sports, sont essentiels pour garantir aux jeunes les fondamentaux de la natation tout en assurant leur sécurité au contact de l’eau.
Pourquoi une telle crise ?
La canicule précoce et la fréquentation croissante des zones non surveillées
La météo exceptionnelle a entraîné un afflux massif vers les plans d’eau, plages et espaces naturels. Beaucoup se sont baignés en dehors des zones réglementées, sans surveillance ni prévention adaptée.
Le manque de maîtres-nageurs sauveteurs
Les professionnels alertent sur une pénurie alarmante de 3000 à 5000 maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) en France, impactant directement la capacité à sécuriser les espaces aquatiques ouverts au public.
L’impact post-Covid sur l’apprentissage scolaire
Les confinements et fermetures d’équipements sportifs ont fortement réduit l’offre de cours de natation dans les écoles. La reprise tardive n’a pas comblé les lacunes accumulées durant cette période critique.
Des inégalités territoriales
Certaines zones géographiques, comme les régions littorales ou rurales, subissent davantage la pénurie d’infrastructures et de personnel formé. La prise en compte de ces inégalités est encore insuffisante dans les politiques nationales.
Prévention et responsabilisation : ce qui se met en place
Pour l’été 2025, Santé publique France a lancé une campagne de prévention ciblant les enfants de moins de 6 ans et les personnes âgées (65 ans et plus).
Des affiches, des vidéos, des témoignages de parents ont été diffusés dans les piscines, clubs de plage, campings et auprès des professionnels de santé.
Le message est clair : « Vous tenez à eux, ne les quittez pas des yeux ! », afin d’insister sur la surveillance constante et rapprochée lors des baignades, même dans des contextes privés ou familiers.
Une réponse citoyenne et solidaire : l’exemple de Nîmes
En 2024, une initiative innovante portée par le Club subaquatique des pompiers du Gard (CSPG) a permis de sensibiliser 160 enfants de 4 à 11 ans issus de quartiers défavorisésà la natation.
Grâce à un bassin mobile installé au cœur de l’École nationale de police de Nîmes, les enfants ont appris, sans brassards ni frites, à respirer, flotter, et se familiariser avec l’eau en toute sécurité.
Ce dispositif « hors des sentiers battus » ne visait pas à former de futurs nageurs de haut niveau, mais à donner des bases aquatiques indispensables tout en créant des liens de confiance avec les institutions auprès de jeunes loin des équipements traditionnels.
Pourquoi agir maintenant ?
Sauver des vies
Avec plus de 1 000 décès liés aux noyades chaque année, dont la moitié durant l’été, et une très forte proportion d’accidents évitables, la prévention constitue un enjeu de santé publique prioritaire.
Protéger les plus vulnérables
Les enfants et les aînés sont les catégories les plus exposées. L’apprentissage environnemental précoce, combiné à une vigilance accrue, est non négociable.
Réduire les inégalités
Offrir une formation aquatique accessible à tous, notamment dans les territoires isolés ou défavorisés, est une responsabilité collective pour garantir l’égalité des chances et la sécurité de chacun.
Renouveler l’engagement collectif
Le rôle des collectivités territoriales, des écoles, des structures associatives et des maîtres-nageurs est central. Une mobilisation coordonnée est indispensable pour renforcer l’offre, les équipements et les enseignements.
Ce que nous, TOUS, pouvons faire
- Sensibiliser à l’urgence : Partageons ces données et témoignages pour mobiliser, en particulier dans les réseaux de direction d’écoles, d’élus, d’associations sportives ou de santé.
- Faciliter les partenariats locaux : Entre écoles, clubs sportifs, municipalités et associations, pour développer des bassins mobiles, des créneaux dédiés, des projets comme celui de Nîmes.
- Promouvoir la formation des professionnels : Investir dans le recrutement, la formation continue et l’attraction des métiers de maître-nageur-sauveteur.
- Encourager l’innovation pédagogique : Déployer et développer les outils du savoir-nager, de l’aisance aquatique, des attestations légales, les programmes scolaires dédiés.
- Développer une culture de vigilance : Promouvoir des campagnes de prévention ciblées, des messages clairs et constants aux parents et encadrants, avec l’appui des autorités sanitaires.
⏭ Noyades, une tragédie collective évitable
Les noyades restent une des causes principales de mortalité accidentelle chez les jeunes.
L’été 2025 en France nous rappelle à l’urgence d’agir : renforcer l’apprentissage de la natation pour tous, garantir des lieux de baignade surveillés et former des professionnels compétents.
Ce combat exige une réponse collective, immédiate et durable—impliquant pouvoirs publics, acteurs éducatifs, collectivités et citoyens.
« On n’apprend pas à se sauver en lisant, mais en nageant. La compétence aquatique doit être universelle. »