AUTORITÉ, MOYENS, COMPÉTENCES : L’ÉQUILIBRE OUBLIÉ DES PISCINES PUBLIQUES
Ce que révèle le quotidien d’un directeur de piscine publique
Il est 6h45. Dans un centre aquatique intercommunal, le directeur termine de mettre en place les plannings, car deux agents sont en arrêt maladie, non remplacés.
À 8h00, il prépare la réception d’un contrôle de l’ARS pendant que le pédiluve est hors service.
À 9h00, un élu lui demande de rouvrir le bassin nordique « même à 18°C » car « ça fait mauvaise image ».
À 10h30, il doit arbitrer un conflit entre deux maîtres-nageurs.
À midi, il répond à un mail sur la révision du contrat d’exploitation.
À 15h, il doit présenter un budget à la baisse, tout en maintenant une promesse d’activité sport-santé.
Et à 18h, il répond à un usager mécontent sur Facebook.
Ce n’est pas une caricature. C’est le quotidien de nombreux responsables de piscines publiques en France. Un quotidien de plus en plus tendu, exigeant et contradictoire, où l’équilibre fragile entre autorité, moyens et compétences conditionne tout : la sécurité, la qualité de service, le bien-être des équipes… et la légitimité des élus eux-mêmes.
1️⃣ L’AUTORITÉ : UN POUVOIR QUI DOIT ÊTRE CLAIREMENT DÉLÉGUÉ, ASSUMÉ ET PROTÉGÉ
1.1 L’autorité, condition première du pilotage
Dans toute organisation, le pouvoir de décision est ce qui permet d’organiser, de faire exécuter, de contrôler, de corriger. Dans un centre aquatique, l’autorité du directeur est la colonne vertébrale qui structure les services techniques, l’accueil, la sécurité, la relation usager, les partenaires associatifs, les prestataires.
Mais dans le monde des collectivités territoriales, cette autorité est parfois mal définie, mal déléguée, ou parasitée :
- Des élus interviennent directement dans les plannings sans concertation.
- Des agents reçoivent des consignes multiples (directeur, DGS, maire, délégataire, prestataire).
- Le règlement intérieur n’est pas aligné avec les procédures de la collectivité.
Le résultat ? Une confusion hiérarchique, un désengagement des agents, des décisions inapplicables et, in fine, une fragilisation de l’autorité publique elle-même.
1.2 Le droit encadre l’autorité… et la protège
Selon le Code du travail (article L1221-1), tout contrat de travail inclut une subordination légitime à l’autorité de l’employeur. Dans la fonction publique, cette subordination prend la forme de l’obéissance hiérarchique, encadrée par les statuts.
Pour qu’un directeur puisse assumer ses fonctions, il doit recevoir une délégation explicite de la part de l’autorité territoriale :
- Signature du POSS
- Pouvoir disciplinaire de premier niveau
- Gestion des plannings
- Droit d’alerte sécurité
- Gestion du budget de fonctionnement
Sans délégation claire, un directeur n’est qu’un gestionnaire impuissant, pris entre deux feux. Et cela nuit gravement à l’efficacité du service.
2️⃣ LES MOYENS : CE QUE LE SERVICE PEUT FAIRE… OU NE PAS FAIRE
2.1 Aucun projet ne peut survivre à l’insuffisance des moyens
L’ambition politique pour une piscine peut être grande : sport santé, inclusion, apprentissage de la nage, accueil scolaire, activités loisirs, compétitions, économies d’énergie. Mais sans moyens adaptés, ces ambitions deviennent des sources de frustration et de conflit.
Un centre aquatique est un équipement complexe, à la fois :
- Un ERP soumis à des normes de sécurité strictes
- Un service public soumis à la continuité
- Un équipement sportif collectif
- Un lieu de détente grand public
Or, un simple manque de moyens peut entraîner :
- La fermeture temporaire d’un bassin (absence de MNS)
- Une non-conformité sanitaire (absence de personnel de maintenance ou produits manquants)
- Une incapacité à répondre aux besoins du territoire (activités annulées, absence de créneaux)
2.2 L’obligation de moyens selon le Code du travail
L’article L4121-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la santé et la sécurité des agents.
Cette obligation inclut :
- Des effectifs suffisants
- Des équipements de sécurité fonctionnels
- Une maintenance régulière
- Des consignes claires et réalistes
- Des procédures d’urgence connues
Lorsqu’un élu impose une ouverture dominicale sans recruter, ou réduit les budgets de formation, il engage indirectement sa responsabilité en créant une situation à risque.
3️⃣ LES COMPÉTENCES : LE VÉRITABLE LEVIER DE LA TRANSFORMATION DES SERVICES
3.1 Des compétences spécifiques et évolutives
Un centre aquatique repose sur des compétences techniques, relationnelles, juridiques et managériales précises :
- Maîtrise du traitement de l’eau (conformité ARS, dosage, automatisation)
- Surveillance et sauvetage (norme AFNOR, responsabilité pénale)
- Relation usager (communication, gestion des conflits)
- Gestion administrative et budgétaire (marchés publics, régie ou DSP)
- Développement d’une offre de services attractive (sport santé, aquaforme, scolaires, clubs)
Ces compétences évoluent rapidement, notamment en raison :
- De la numérisation (billetterie, réservation en ligne, suivi technique)
- De la réglementation (accessibilité, sécurité, RGPD, décret sport santé)
- Des attentes sociétales (inclusion, éco-responsabilité, qualité d’accueil)
Il est illusoire de penser que l’existant suffit. Une mise à jour régulière des compétences est indispensable à la performance.
Pour aller plus loin sur le sujet de la formation en piscine publique, consultez le site PISCINE FORMATION. Vous y retrouverez des formations adaptées à vos équipes.
3.2 L’obligation de former
Le Code du travail (article L6321-1) impose à l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur poste.
Dans les piscines publiques, cela signifie :
- Former les agents techniques à la maintenance des installations modernes
- Former les encadrants aux marchés publics, aux obligations du contrat d’exploitation
- Former les MNS aux publics en situation de handicap ou aux techniques de récupération post-traumatique
- Former les agents d’accueil à la relation usager, aux logiciels de billetterie, aux situations de tension
Faute de formation, la responsabilité de la collectivité peut être engagée en cas de faute ou d’accident.
4️⃣ L’ÉLU, GARANT DE L’ÉQUILIBRE
4.1 Clarifier, assumer, anticiper
En tant qu’élu, vous êtes le garant :
- De la bonne marche du service public
- De la sécurité juridique de vos agents
- De la cohérence entre ambition politique et capacité opérationnelle
Cela passe par :
- Une délégation claire et formalisée de l’autorité aux encadrants
- Une lecture réaliste des moyens nécessaires à vos orientations politiques
- Une politique RH cohérente avec les enjeux du service
Un élu qui souhaite promouvoir le sport santé sans former ses équipes ou renforcer l’offre d’activité crée une impasse managériale.
4.2 Les conséquences du déséquilibre
Le déséquilibre entre autorité, moyens et compétences engendre :
- Des fermetures injustifiées
- Des accidents évitables
- Une défiance des agents
- Des tensions sociales, des grèves
- Des retours négatifs du public
- Des conflits politiques internes
À l’inverse, une collectivité qui anticipe, qui écoute, et qui ajuste ses ressources à ses objectifs, renforce :
- Son image
- La motivation de ses équipes
- La sécurité des usagers
- La satisfaction du public
5️⃣ Recommandations concrètes pour les élus
Pour transformer en profondeur la gestion d’un centre aquatique public, les intentions politiques ne suffisent pas : elles doivent se traduire par des actes concrets, cohérents et structurants.
Les élus jouent ici un rôle déterminant. Leur capacité à clarifier les responsabilités, à objectiver les moyens, à soutenir les compétences et à associer les encadrants dans une gouvernance partagée est la condition première de la performance du service.
Voici quatre leviers opérationnels que chaque collectivité peut activer pour garantir un pilotage serein, sécurisant et conforme aux enjeux actuels des piscines publiques :
1. Rédiger une délégation de pouvoir claire
- Mentionner la gestion RH, sécurité, technique, budget
- Répertorier les procédures validées par la direction
- Communiquer clairement cette délégation aux agents
2. Réaliser un audit fonctionnel des moyens
- Effectifs en poste vs besoin réel (scolaires, clubs, grand public)
- Maintenance : fréquence, documentation, procédures
- État des équipements : conformité, vétusté, risques
3. Identifier les écarts de compétences
- Mettre en place des entretiens professionnels utiles
- Construire un plan de formation centré sur les enjeux du service
- Ouvrir à l’intervision, au tutorat, à la formation terrain
4. Associer les encadrants à la stratégie politique
- Leur expliquer les arbitrages budgétaires
- Leur donner des marges de décision
- Les écouter sur les besoins réels des agents et du terrain
6️⃣ Et maintenant ? Vers une nouvelle culture de gestion
Le pilotage d’un équipement public ne peut plus reposer sur des réflexes descendants, ni sur le seul sens du service des agents.
Nous entrons dans une nouvelle ère :
- De responsabilité partagée
- De transparence des arbitrages
- D’exigence managériale
- De qualité d’expérience pour les usagers
Et cette ère commence par une prise de conscience simple, mais essentielle :
« On ne peut pas exiger ce qu’on ne rend pas possible. »
Conclusion
L’autorité sans moyens est vide. Les moyens sans compétences sont inefficaces. Les compétences sans autorité sont gaspillées.
Pour les élus, rééquilibrer ces trois piliers dans les centres aquatiques n’est pas une option. C’est une condition de responsabilité, de cohérence politique, et de respect des valeurs du service public.
Chez AQUA PROXIMA, nous accompagnons les collectivités dans cette démarche de lucidité et de transformation. Audit 360°, accompagnement managérial, plan de formation, analyse des contrats d’exploitation : nous avons les outils pour vous aider à reprendre la main sur vos équipements.
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