Encadrer la sous-traitance technique des piscines publiques : une nécessité vitale pour éviter la défaillance des installations de traitement de l’eau
Dans de nombreux centres aquatiques, la sous-traitance de la maintenance technique est devenue la règle. Par manque de compétences internes, de temps ou de ressources humaines, les collectivités confient à des prestataires privés l’entretien et le suivi des installations de traitement de l’eau, de l’air et du chauffage.
Mais cette externalisation, si elle n’est pas rigoureusement encadrée, peut rapidement se transformer en source de dérives lourdes de conséquences : fuites non traitées, corrosion, défaillance des pompes de recirculation, dégradation de la qualité de l’eau, voire fermeture administrative de l’établissement.
La photographie ci-dessus illustre parfaitement cette dérive : une pompe de recirculation d’eau en état de dégradation avancée, présentant une fuite estimée à 5 litres par heure, soit plus de 120 litres par jour d’eau chlorée, et un risque de surchauffe du moteur, d’incendie électrique ou d’arrêt complet de la filtration.
1️⃣ La pompe de recirculation : cœur névralgique du système de traitement d’eau
Dans un bassin public, chaque pompe assure la recirculation de plusieurs dizaines de mètres cubes d’eau par heure à travers les filtres, les échangeurs et les systèmes de désinfection.
Une panne de pompe équivaut à un arrêt de la filtration, donc à une mise en péril immédiate de la qualité sanitaire de l’eau.
Selon la norme AFNOR X60-010 (Entretien et exploitation des piscines publiques), « tout équipement essentiel à la sécurité sanitaire des baigneurs doit faire l’objet d’une surveillance continue et d’un entretien préventif documenté ».
Or, dans de nombreux cas, les sous-traitants techniques interviennent en mode curatif, c’est-à-dire uniquement en cas de panne avérée. Le résultat ? Une dégradation silencieuse et progressive des composants, invisible jusqu’au jour de la défaillance critique.
2️⃣ Les conséquences d’une fuite non traitée
La fuite observée sur le visuel entraîne plusieurs types de risques :
a) Risque mécanique
Une fuite sur garniture mécanique provoque la corrosion des parties métalliques, la désolidarisation du moteur, et la détérioration du roulement avant. Le moteur finit par se gripper ou brûler.
⚡ b) Risque électrique
L’eau chlorée peut migrer vers les connexions électriques du moteur, causant un court-circuit ou un incendie. Les risques sont particulièrement élevés dans les locaux techniques souvent humides et confinés.
c) Risque sanitaire
La baisse de débit liée à la défaillance progressive d’une pompe modifie les vitesses de filtration, la turbidité de l’eau et la désinfection. En quelques heures, l’eau peut devenir non conforme aux valeurs de l’arrêté du 7 avril 1981 modifié(chlore libre, pH, turbidité).
3️⃣ Les obligations réglementaires des collectivités
Les collectivités restent responsables de la conformité sanitaire et technique de leur établissement, même en cas de sous-traitance.
L’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales rappelle que le maire doit « prévenir, par des précautions convenables, les accidents et les pollutions ».
De même, le Code du sport (articles A322-1 à A322-11) impose que l’eau soit constamment renouvelée, filtrée et désinfectée dans des conditions contrôlées.
L’exploitant public ou privé reste juridiquement tenu de garantir la sécurité et la salubrité de l’eau de baignade. En cas de fermeture ARS, la responsabilité du maire et du délégataire peut être engagée pour manquement à l’obligation de moyens renforcée.
4️⃣ Les dérives fréquentes de la sous-traitance
Absence de plan de maintenance préventive
Dans la majorité des cas observés, les sociétés d’exploitation se limitent à une maintenance curative, sans calendrier ni plan d’entretien structuré (graissage, resserrage, contrôle d’étanchéité, vibration, etc.).
Les métiers techniques de ces sociétés sont souvent très vendeurs, mais sans réelle application une fois le contrat gagné.
Suivi documentaire lacunaire
Peu de sites disposent d’un registre de maintenance complet et signé ; les rapports sont souvent génériques et non datés. Le journal de bord technique exigé par la norme X60-010 §5.3.2 est rarement à jour.
Personnel sous-qualifié ou non formé
La maintenance des circuits hydrauliques requiert des techniciens formés aux risques spécifiques du traitement d’eau : chlore gazeux, électrolyse, corrosion galvanique, étanchéité mécanique. Or, les sous-traitants envoient souvent des techniciens généralistes en CVC (chauffage-ventilation-climatisation), peu familiarisés avec les contraintes aquatiques.
Absence de contrôle externe
Sans audit technique régulier, les anomalies persistent jusqu’à la panne. Les collectivités manquent de compétences internes pour évaluer la qualité réelle des prestations.
5️⃣ Encadrer la sous-traitance : un enjeu stratégique
Face à ces constats, il devient indispensable d’instaurer un cadre de gouvernance technique clair entre la collectivité, le délégataire (le cas échéant) et le sous-traitant.
L’objectif n’est pas de multiplier les contrôles, mais de rétablir une culture de maintenance préventive au service de la sécurité, de la performance et de la continuité de service.
5.1. Rédiger un CCTP technique précis
Le Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP) doit décrire :
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La liste exhaustive des équipements (pompes, filtres, sondes, vannes, etc.) ;
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Les fréquences d’entretien (hebdomadaire, mensuelle, semestrielle) ;
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Les obligations de compte rendu (fiche de visite, rapport photo, signature) ;
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Les normes applicables (X60-010, NF EN 15378-1, S52-014, etc.) ;
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Les critères de performance (rendement hydraulique, consommation, étanchéité).
Un CCTP précis limite les zones d’ombre et protège juridiquement la collectivité.
5.2. Imposer un plan de maintenance préventive
Le plan de maintenance doit intégrer les points suivants :
| Fréquence | Opération | Objectif | Responsable |
|---|---|---|---|
| Hebdomadaire | Vérification visuelle de fuites et bruits anormaux | Détection précoce | Technicien local |
| Mensuelle | Contrôle du serrage et graissage du moteur | Prévenir l’usure | Prestataire |
| Trimestrielle | Contrôle des vibrations, de la température moteur | Éviter la casse | Prestataire |
| Annuelle | Démontage, nettoyage, remplacement garniture | Maintien des performances | Prestataire |
5.3. Créer un registre technique partagé
Un registre numérique partagé (via plateforme ou tableur collaboratif) doit permettre à la collectivité de suivre en temps réel :
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Les interventions effectuées,
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Les alertes en cours,
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Les pièces remplacées,
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Les préconisations du prestataire.
Ce suivi transparent permet de prévenir la défaillance plutôt que de la constater.
5.4. Former les agents communaux
Même en présence d’un prestataire, les agents doivent conserver une compétence technique minimale.
Une formation annuelle sur la maintenance de premier niveau (lecture des pressions, détection de fuite, bruit anormal, température moteur) est indispensable.
La norme de Maintenance des équipements des piscines publiques précise que « les opérateurs internes doivent être capables d’identifier toute dérive anormale du fonctionnement ».
5.5. Auditer les prestations et faire intervenir un expert indépendant
Pour garantir la fiabilité du dispositif, il est essentiel de faire réaliser un audit technique complet par un expert du métier, indépendant des sociétés d’exploitation et connaissant spécifiquement les contraintes des piscines publiques.
Cet audit permet de :
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Vérifier la conformité du contrat de maintenance ;
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Identifier les faiblesses structurelles (corrosion, fuites, sous-dimensionnement, déséquilibre hydraulique) ;
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Évaluer les pratiques réelles du prestataire ;
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Quantifier les risques de défaillance à court et moyen terme ;
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Élaborer un plan de redressement technique et organisationnel.
Un audit indépendant, réalisé par un cabinet spécialisé tel qu’AQUA PROXIMA, apporte une vision objective et experte de l’état de l’équipement et de la qualité de la maintenance.
Pour en savoir plus ou planifier un audit de maintenance sur votre centre aquatique, consultez le lien suivant :
Audit technique des piscines publiques – AQUA PROXIMA
6️⃣ Risques juridiques et responsabilités
Une fuite non traitée, un moteur brûlé ou une contamination de l’eau peuvent engager plusieurs types de responsabilités :
⚖️ Responsabilité administrative
La collectivité, en tant que propriétaire, demeure garante du bon entretien des équipements (CE – arrêt du 10 février 2016, Commune de Mende).
⚖️ Responsabilité contractuelle du prestataire
Le prestataire est tenu d’une obligation de résultat sur les opérations de maintenance définies au contrat. Une fuite non réparée peut être assimilée à une faute contractuelle engageant sa responsabilité (article 1231-1 du Code civil).
⚖️ Responsabilité pénale
En cas d’accident ou d’intoxication liée à un défaut de maintenance, la responsabilité pénale du maire, du délégataire ou du chef d’établissement peut être recherchée pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui (article 223-1 du Code pénal).
7️⃣ Vers une maintenance responsable et durable
Encadrer la sous-traitance, c’est avant tout restaurer une culture de fiabilité.
Dans un centre aquatique, la maintenance ne se limite pas à « réparer » : elle consiste à prévenir, anticiper et sécuriser.
Objectifs à long terme :
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Réduire les coûts cachés (eau, énergie, urgence, sinistres) ;
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Allonger la durée de vie des équipements ;
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Garantir la qualité sanitaire de l’eau ;
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Éviter les fermetures administratives ;
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Renforcer la confiance entre la collectivité et le prestataire.
8️⃣ Conclusion
L’image de cette pompe fuyarde est symptomatique d’un problème plus large : le manque d’encadrement, de contrôle et de culture technique dans la gestion sous-traitée des piscines publiques.
Un centre aquatique ne peut fonctionner durablement sans un pilotage rigoureux de la maintenance.
Il est donc urgent de :
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Professionnaliser la relation contractuelle,
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Exiger des plans de maintenance et des rapports vérifiables,
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Former les agents publics,
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Et faire appel à un expert indépendant pour auditer l’état des installations.
Un audit mené par un professionnel du métier, tel qu’AQUA PROXIMA, permet de transformer la maintenance d’un poste budgétaire subi en levier de performance, de sécurité et de durabilité.
Pour plus d’informations ou pour organiser un audit sur votre équipement, rendez-vous sur :
www.aquaproxima.fr/conseil-assistance-piscines-publiques/4-audit-maintenance/
L’eau de baignade, la sécurité du public et la continuité du service public en dépendent.